Le Monopoly , un jeu anticapitaliste ?
Amis joueuses, Amis joueurs, bonjour à vous. Aujourd’hui on va s’intéresser à l’un des jeux certainement les plus connus au monde : le Monopoly. Si il est connu de toutes et de tous, si beaucoup de foyers en possède un dans sa collection, si il a été décliné sous de très nombreuses formes, langues, et même règles secondaires, savez vous d’où il vient ? Lorsque vous vous acharnez à amasser de l’argent, à acheter des propriétés dans le but de faire payer des loyers à vos adversaires et de vider leurs poches, et vous vous complaisez sous des montagnes de billets, saviez vous que finalement vous compreniez l’inverse de ce pourquoi le jeu a été créé ?
Vous l’avez compris, aujourd’hui nous allons explorer ensemble l’Histoire du Monopoly…
Création du Monopoly
Dans les années 30, les Etats-Unis sont frappés par une crise financière sans précédent : la Grande Dépression. Conséquence directe de ce krach boursier : la consommation chute, les entreprises font faillite, beaucoup perdent leur travail, la situation financière du pays est au plus mal.
C’est dans ce contexte que l’on raconte qu’un petit chômeur de Philadelphie, Charles Brace Darrow, aurait créé un jeu de plateau, avec des cases à parcourir, inspiré du jeu de l’oie, qui reproduit la situation financière et immobilière de l’époque : acheter et vendre des propriétés, percevoir des loyers dont la valeur peut évoluer, et vous faire une place au soleil ou à l’inverse déclarer la banqueroute.
Le premier Monopoly
A l’origine, les accessoires sont rudimentaires : un plateau dessiné sur la toile cirée de la cuisine, des morceaux de bois pour faires les maisons et hôtels et des boutons de chemise pour faire les pions ou même, selon la légende, des éléments des bracelets de la femme de Darrow.
Des cartes sont créées pour représenter les titres de propriété lorsque l’on achète une rue. D’ailleurs, pour faire plus réaliste, le concepteur va même jusqu’à s’inspirer des noms de rue d’une ville qu’il affectionne particulièrement : Atlantic City, le petit Las Vegas de la côte Est.
Plutôt réaliste, certaines cases emblématiques existent déjà : la case prison pour ceux qui enfreignent les règles et l’équivalent de la case départ qui offre de l’argent aux joueurs, pour qu’ils dépensent encore plus.
Les premiers retours !
Dans l’entourage de Darrow, le jeu plaît. Il va alors le proposer à l’un des plus grands éditeurs de jeux que vous connaissez surement : l’entreprise Parker Brothers.
Chez Parker on teste le jeu, mais très vite il ne convient pas. Il est jugé trop long, trop complexe, pour un jeu destiné à un public adulte… Darrow ne se décourage pas! Il créée quelques modèles avec ses propres moyens. Il va ensuite faire le tour des boutiques de jeux qui acceptent le test en rayonnage.
Le succès du jeu est rapide, à tel point qu’en 1935, la société Parker recontacte Charles Darrow et lui propose de racheter les droits du jeu. Il accepte sous condition de toucher une redevance sur les ventes.
Cette fois le succès est fulgurant. Des milliers d’exemplaires sont vendus chaque semaine. Et avec les droits Darrow sort de la panade par la grande porte, il va même pouvoir s’offrir une grande propriété en Pennsylvanie.
Aujourd’hui le succès est toujours au rendez vous. Le jeu a été décliné sous de nombreuses versions : Villes Françaises, Belges ou Suisses, Régions, clubs de foot, ou produits commerciaux, séries, films ou encore jeux vidéos. Vous pourrez d’ailleurs trouver l’ensemble des éditions Monopoly sur le site Monopolypedia !
L’histoire est belle, mais il manque un détail majeur à tout cela : Charles Darrow n’a pas inventé le Monopoly. Depuis un procès dans les années 70, dans lequel un professeur d’économie voulait créer son propre jeu « Anti Monopoly », on a redécouvert l’existence d’un concept qui remonte au début des années 1900, durant lesquelles on jouait déjà à un jeu d’échange et de vente de propriétés, maisons et hôtels qui s’appelle « The Landlord’s Game » (traduisez : Jeu du propriétaire foncier): une création attribuée à Elisabeth J. Magie.
La morale cachée du Monopoly
Ce qu’il faut savoir, c’est que Magie et son entourage partageaient à ce moment différentes inspirations économistes, appelées le géorgisme, et notamment le fait de contrôler le pouvoir des propriétaires immobiliers. Ils étaient notamment partisans de proposer une taxe unique sur la plus-value réalisée lors de ventes avec bénéfices.
Pour pouvoir transmettre ces avertissements, elle enregistrera les droits du jeu via une patente fédérale. Elle déposera des brevets. Puis diffusera son édition indiquant que chacun l’accommode comme il le souhaite. Du moment que le message soit bien compris par les joueurs. En effet le jeu mettait en avant deux sortes de règles :
- Une version dans laquelle les joueurs sont récompensés s’ils créent ensemble des richesses ;
- Une autre version dans laquelle le but est de ruiner ses adversaires et de créer son propre monopole foncier, d’où le nom du jeu « Monopoly ».
Cette dualité devait être comprise par les joueurs pour montrer que la première version était, d’après Magie, moralement la meilleure.
Le jeu se répand donc dans les années 1910-1920. Il est amélioré selon les envies de chacun avec des noms de rues, des valeurs de propriétés… jusqu’à ce que… Vous le voyez venir, le jeu arrive chez notre cher Charles Darrow.
C’est depuis ce jour qu’il reprendra l’idée. Il en fera un jeu juste suffisamment différent de son ancêtre pour être considéré comme un jeu à part. Maintenant on en connait tous la finalité.
D’ailleurs la firme Parker qui avait acheté les droits à Darrow a ensuite découvert cette histoire. Elle a aussi racheté les droits originaux en 1936 à Elizabeth Magie avant de produire le jeu en masse. Celle-ci à cédé ces droits pour quasiment rien : elle voulait juste que ses idées continuent à être diffusées. Quand on voit le résultat aujourd’hui, ce jeu représente plus le rêve américain qu’une ode anti monopole…